Examen radiologique standard

Le simple cliché de profil debout centré sur le coccyx peut être suffisant dans les cas de coccygodynie aiguë hyperalgique. Il permet de détecter les fractures et les arthrites microcristallines. 

 

JY Maigne

 

Fractures

Les fractures coccygiennes sont rarissimes (deux cas pour mille dans notre expérience, où seule la première pièce osseuse était concernée). Ceci se comprend car le point faible du coccyx est l’articulation sacro ou inter-coccygienne et non l’os lui-même. La lésion traumatique par excellence est donc la luxation. En revanche, les fractures de la partie inférieure du sacrum sont un peu plus fréquentes (1% de nos cas). Cette fréquence est probablement inférieure à la réalité, car nous voyons surtout des patients chroniques. Or, les fractures ne sont responsables que de coccygodynies aiguës, puisqu’elles guérissent spontanément dans un délai de trois à quatre semaines. Nous n’avons jamais observé de pseudarthrose.

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Calcifications

La présence d’une petite calcification arrondie dans un disque est parfois observée. Elle n’a guère de valeur indicative (mais nous n’avons pas étudié spécifiquement cette question). En revanche, nous avons observé cinq cas d’arthrite micro-cristalline (probablement de l’hydroxy-apatite), soit une fréquence de 0.5%. Le tableau clinique est celui d’une douleur très intense, d’apparition brusque et spontanée, permanente, rendant impossible toute station assise. Elle cède à un traitement anti inflammatoire stéroïdien oral de quelques jours. 

 

Dans tous les autres cas, un examen radiologique dynamique est indispensable.

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 fracture du coccyx

fracture du sacrum (flèche) 

arthrite micro-cristalline (radiographie standard)


Examen radiologique dynamique

Du fait que les coccygodynies sont douloureuses en position assise, la pratique d'un cliché assis de profil comparé au cliché debout est indispensable dès lors que la coccygodynie est chronique. Un traumatisme violent, une douleur forte peuvent justifier des délais plus courts. Nous avons appelé cet examen « exploration dynamique ».Notre expérience porte sur plus de mille cas à ce jour. 

Le cliché debout de profil est pris en premier. Pour que le coccyx soit en position neutre, il est important que le patient évite de s’asseoir les 5 à 10 minutes qui précèdent l’examen. Autrement, et dans certains cas d’hypermobilité, le coccyx pourrait ne pas avoir eu le temps de regagner sa position neutre habituelle en station debout. Puis le patient est assis sur un tabouret, les pieds sur un repose-pieds de façon à avoir les cuisses horizontales (ce qui reproduit la station assise habituelle) et il doit chercher sa douleur. Si besoin, il peut se pencher légèrement en arrière pour la sentir. Si la douleur spontanée ne peut être provoquée au delà d’un délai raisonnable de quelques minutes, le cliché assis devient moins interprétable, car pris dans une situation d’indolence. La radiographie doit alors être prise dans la position où le patient a habituellement le plus mal. 

Les deux clichés sont d’abord lus indépendamment (aspect général, nombre de vertèbres, courbure, articulations sacro et inter-coccygiennes, présence éventuelle d’une fracture, d’un spicule coccygien) puis superposés sur un spot, cliché assis dessus, en faisant coïncider les contours sacrés. 

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Mesure d'angles

Angle de mobilité

On peut ainsi tracer l'angle de mobilité du coccyx, dont le sommet est situé au centre du premier disque mobile. Il s’agit, dans les deux-tiers des cas d’un mouvement vers l’avant (donc de flexion). Sa valeur normale, déterminée d’après des sujets témoins, est comprise entre 0° et 25°. Une valeur supérieure à 30° chez la femme (25° chez l’homme) est anormale. Dans un tiers des cas, le coccyx se déplace vers l’arrière (donc en extension), mouvement qui ne dépasse guère 15° et qui n’est qu’exceptionnellement augmenté. L’angle de mobilité est l’angle le plus important. Sa mesure doit être systématique, sauf lorsqu’il existe une luxation qui empêche sa mesure et la rend sans objet. Il n’en est pas de même des autres angles, dont l’intérêt est seulement biomécanique. 

Incidence

L’incidence est l'angle que forme le coccyx par rapport au siège lorsqu'il arrive à son contact. Malheureusement, aucun des deux clichés ne montre le coccyx dans cette situation passagère. Le problème est résolu en superposant les deux films et en faisant coïncider les deux sacrum. On peut alors dessiner sur le cliché assis le coccyx du cliché debout. L'angle que forme ce coccyx "virtuel" avec l'horizontale est l’incidence. Il détermine la direction dans la quelle se déplace le coccyx. 

Rotation pelvienne sagittale

Pour superposer les deux sacrum (assis sur debout), il est nécessaire de faire pivoter le film assis d'un certain nombre de degrés, qui expriment la valeur de la rotation du bassin lors du passage de debout à assis (si l’on considère la mobilité sacro-iliaque comme nulle). Chez un sujet maigre, cet angle est supérieur à 40°. Chez l’obèse, il est inférieur à 30°. Rotation pelvienne et incidence sont intimement liées et sous la dépendance de l’indice de masse corporelle.


 

Mesure des différents angles 

A : radio debout 

B : radio en position assise 

C : superposition des deux films 

 

 

Les angles de mobilité (II), de rotation pelvienne et sagittale (III) et d’incidence (I) se dessinent

Lésions observées sur les clichés dynamiques

Luxation postérieure du coccyx

La luxation est la lésion coccygienne la plus frappante. Elle représente environ 20% des coccygodynies chroniques. En dehors de quelques rares cas de luxation permanente, elle ne survient qu’en position assise et se réduit spontanément lorsque le patient se lève. Ceci explique qu’elle n’ait pas été individualisée avant nos travaux. La luxation survient sur un coccyx plutôt droit, à faible rotation pelvienne et incidence élevée. Disques sacro-coccygiens et inter-coccygiens sont concernés à égalité. Le déplacement du coccyx se fait toujours vers l’arrière. L’analyse d’une série témoin a montré qu’il devait dépasser 20% (selon une mesure analogue à celle utilisée pour les spondylolisthésis) pour être significatif.11 En général, le recul est de 50 à 100% et il n’y a pratiquement jamais de discussion sur sa responsabilité dans la douleur. La luxation est la lésion post-traumatique par excellence. La faible rotation pelvienne et l’incidence élevée se traduisent par un coccyx ressorti vers l’arrière lors de la chute, donc particulièrement exposé aux blessures. Elle survient plus souvent en cas de surcharge pondérale, non que les obèses se fassent plus mal en tombant, mais en raison de leur façon spécifique de s’asseoir, comme le montre la faible rotation pelvienne sagittale (moyenne < 30°), ce qui signifie qu’ils ont tendance à se laisser tomber sur le siège. En cas de luxation, la douleur coccygienne présente deux caractéristiques qui permettent de la suspecter dès l’examen clinique : elle survient immédiatement, dès que le patient s’assoit et elle s’accompagne souvent d’une douleur au relever (qui est parfois le seul symptôme). Son intensité est plus marquée que pour les autres causes, ce qui pousse les patients à consulter plus rapidement. 

 

Ci-dessous : luxation n’apparaissant que sur le cliché en position assise 

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Hypermobilité

L’hypermobilité est caractérisée par une trop forte flexion du coccyx en position assise, supérieure à 30°.6 Il s’y associe souvent une impaction de la partie antérieure des deux pièces osseuses de part et d’autre du joint hypermobile et/ou un minime déboîtement vers l’avant de la pièce osseuse distale, formant une petite marche d’escalier en station assise. Elle représente 25% des coccygodynies chroniques. Typiquement, l’hypermobilité survient chez des patients dont la rotation pelvienne sagittale est élevée et dont le coccyx (en général plutôt courbe) se présente plutôt horizontalement face au siège, ce qui se traduit par une incidence inférieure à 35°. L’hypermobilité n’existe pratiquement que chez la femme.

 L’hypermobilité survient surtout chez le sujet de poids normal ou maigre, ici aussi en raison de sa façon de s’asseoir, avec une rotation pelvienne importante qui pousse le coccyx à se présenter parallèlement au siège et à subir des contraintes de flexion. Elle est rarement post- traumatique. Enfin, elle peut être associée à une hyperlaxité ligamentaire diffuse. Nous rapprochons de l’hypermobilité la luxation antérieure (5% des cas), qui en partage les caractéristiques biomécaniques. En effet, il s’agit d’une luxation qui survient sur le même type de coccyx. Seule la pièce coccygienne la plus distale est concernée.

 

Contrairement à la luxation, qui est toujours pathologique si le déplacement est supérieur à 20%, une hypermobilité modérée (autour de 30°) n’est pas forcément pathologique. Bien que nous n’ayons pas trouvé de telles valeurs chez des sujets témoins, elles peuvent exister chez des patients hyperlaxes asymptomatiques. Pour en affirmer la responsabilité avec certitude, il faut que le point le plus douloureux à la palpation corresponde au joint hypermobile et que l’injection d’un stéroïde dans le joint lui-même soulage le patient au moins un mois. 

 

Ci-dessous : Hypermobilité intéressant le disque distal 

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Epines coccygiennes

L’épine (ou spicule) est un pic osseux palpable sous la peau, à la pointe du coccyx.Elle agresse la sous-peau en station assise et crée une inflammation (bursite). Elle est en cause dans 15% des coccygodynies. Il s’agit de coccyx longs et courbes.7 Une anomalie cutanée est présente en regard dans près de 80% des cas : fossette cutanée plus ou moins marquée, ou, plus rarement, sinus pilonidal franc. Ceci signifie simplement que sinus et spicule sont des lésions en miroir comme s’il y avait eu un accolement des deux feuillets embryonnaires, qui avaient eu du mal à se séparer l’un de l’autre. Les clichés dynamiques montrent le plus souvent un coccyx non mobile, qui accroît le caractère pathogène de ces spicules (du fait de l’absence de flexion, le coccyx ne peut s’éloigner de la peau et appuie fortement en station assise). Le spicule lui-même est parfois difficile à voir. Une reconstruction 3D est possible grâce au scanner, mais le meilleur examen, si les radiographies sont difficiles à lire, est l’IRM. Le spicule étant présent dès la naissance, il est loin d’être toujours cause de douleur. Il peut être trouvé chez des personnes n’ayant jamais souffert de leur coccyx de toute leur vie. Une condition pour qu’il devienne douloureux est un IMC bas, donc une certaine maigreur qui élimine le coussinet graisseux périnéal qui pourrait atténuer son caractère pathogène.  

 

Les coccygodynies liées à un spicule ne sont en général pas d’origine traumatique car il s’agit d’une lésion purement inflammatoire. Le début est très souvent spontané, parfois après un traumatisme psychologique. Un autre contexte très évocateur est celui d’une coccygodynie apparue après un amaigrissement de plusieurs kilos, pour la raison que nous venons d’évoquer. L’examen clinique permet de suspecter le diagnostic. Outre la présence d’une fossette cutanée, la douleur est ressentie à la pointe du coccyx, près de l’anus. La palpation est décisive, car on sent très bien le relief pointu du spicule et la douleur familière est facilement reproduite par une simple pression. Lorsqu’il y a un sinus pilonidal franc, il est essentiel de s’assurer de l’absence d’écoulement purulent. 

 

Ci-dessous : Epine dont on imagine le caractère agressif en station assise. Noter l’absence de mobilité du coccyx. Du fait de l’absence de flexion, l’épine est encore plus traumatisante. 

JY Maigne

 

Autres causes, non visibles sur les clichés dynamiques

Les radiographies dynamiques ont été prises en l’absence de douleur

Si la douleur était absente, deux cas sont possibles. Il peut exister une ébauche de lésion telle une flexion « limite » (par exemple autour de 25°) ou un discret déplacement postérieur du coccyx (ébauche de luxation). On peut alors penser que le déplacement se majore avec la prolongation de la station assise, a fortiori si le siège est inconfortable, et qu’il est plus marqué quand la douleur est là. Certains patients ne ressentent ainsi leur douleur que sur un siège spécifique ou dans certaines circonstances particulières (trajet en voiture, qui associe des vibrations à la station assise). Si aucune ébauche de lésion n’est visible, il vaut mieux refaire les clichés dynamiques dans de bonnes conditions. 

Les radiographies dynamiques ont été prises la douleur étant présente

Si la douleur était présente et qu’il n’y a aucune anomalie de mobilité, aucune conclusion n’est possible sur l’origine de la douleur. Certains de ces cas (près de la moitié, soit 15% du total) répondent bien à l’injection d’un stéroïde intra-discal, ce qui tend à prouver la présence d’une inflammation intra-discale. D’autres cas peuvent répondre à une injection de stéroïde au niveau de la pointe du coccyx (en l’absence d’épine visible). Il s’agit probablement de bursites apicales survenant sur des coccyx dépourvus de mobilité et dont la douleur siège à la pointe. Mais l’injection peut n’avoir aucune action et l’étiologie de ces derniers cas reste inconnue. Il faut d’abord vérifier l’absence de toute douleur lombaire concomitante (voir paragraphe suivant). Si le coccyx paraît seul en cause, différentes sources de douleur peuvent être évoquées. Il s’agit d’hypothèses. Elles sont plausibles mais ne peuvent être prouvées.  Il peut s’agir d’une douleur prenant sa source dans les muscles releveurs. Dans ce cas, l’examen intra-rectal trouve un ou plusieurs points douloureux au sein de ces muscles, dont la pression reproduit la douleur spontanée. Nous ignorons pourquoi ces muscles sont une source de douleur. Le traitement manuel doit être préféré dans ces cas. Il peut aussi s’agir d’une douleur sur l’insertion d’un muscle ou d’un ligament sur le bord latéral du sacrum ou du coccyx. La palpation soigneuse des bords latéraux de l’extrémité inférieure du sacrum et de la première pièce coccygienne peut révéler une douleur localisée, unilatérale, qui pourrait correspondre à une douleur d’insertion de quelques fibres du muscle grand fessier ou du ligament sacro-tubéreux. Nous traitons ces patients avec une infiltration au contact osseux. Une composante psychologique, un dysfonctionnement des voies de la douleur peuvent être envisagés. Un état dépressif, ou simplement des antécédents de dépression, une tendance à la diffusion de la douleur, le caractère non strictement mécanique de celle ci (c’est à dire le fait qu’elle ne survienne qu’au bout d’un certain temps de station assise (par exemple une heure) et que son intensité augmente au cours de la journée) sont des éléments d’orientation. Notre opinion est qu’un état dépressif ne peut pas par lui même créer une douleur coccygienne, mais qu’il peut favoriser sa persistance, par un phénomène de sensibilisation ou de mémoire de la douleur. L’amitriptyline peut alors être proposé au patient.