Histoire des techniques de chirurgie de la douleur - du néolithique à nos jours

La chirurgie de la douleur a contribué au développement de la neurochirurgie fonctionnelle qui s’est développée parallèlement à la neurophysiologie. Dans la chirurgie de la douleur, on peut distinguer les interventions reposant sur une lésion anatomique visant à interrompre anatomiquement les voies nerveuses de celles, généralement conservatrices, faisant appel à la neuromodulation — par stimulations électriques ou par administration locale de molécule(s) — de structures anatomiques.

Ces deux familles de techniques répondant à des  d’idées distincts, nous les avons traitées dans des rubriques distinctes. Pour cette même raison d’ordre épistémologique, l’histoire du traitement chirurgical de la névralgie faciale a fait l’objet, également, d’une autre parties. Nous abordons également l'histoire des traitements de la douleur par psychochirurgie, un sujet peu traité dans la littérature.

Les techniques de chirurgie lésionnelle

La cingulectomie : une intervention de psychochirurgie dans le traitement de la composante émotionnelle de la douleur.
La cingulectomie : une intervention de psychochirurgie dans le traitement de la composante émotionnelle de la douleur.

Les trépanations, dont les premières remonteraient au néolithique, comptent probablement parmi les gestes les plus anciens dans le traitement de la douleur [1] et les temps ne sont pas si lointains où des tribus réalisaient cette intervention crânienne pour « libérer l’esprit » ou soigner certaines céphalées [2]. Exception faite de ces interventions ancestrales — relevant davantage de la magie que de la médecine — on observe que l’histoire de la chirurgie ablative suit un fil relativement logique en remontant le long des nerfs jusqu’aux centres intégrateurs comme le soulignait le neurochirurgien Lyonnais Wertheimer : « dans la mesure où la douleur s’inscrit dans des trajets précis qui, de la périphérie, des membres, du tronc et de la face, comme des viscères, la conduisent aux noyaux thalamiques, il était prévisible que la chirurgie tenterait de s'opposer à cette progression » [3]. Une progression ascendante qui doit autant à la compréhension des voies de la douleur, à la révolution pastorienne qu’aux progrès des techniques de chirurgie et d’anesthésie. Ainsi, de la périphérie vers le cerveau, l’audace des chirurgiens s’est progressivement libérée.

Selon ce cheminement — anatomique autant que chronologique — le début de cette histoire remonterait à Ambroise Paré à qui l’on prête, en 1648, l’idée d’avoir voulu soulager le roi Charles IX, souffrant d’une plaie douloureuse au bras, avec l’application d’une huile brûlante destinée à détruire les terminaisons nerveuses. 

 


Histoire de la psychochirurgie dans le traitement de la douleur

Clichés radiologiques post-topectomie
Clichés radiologiques post-topectomie

La douleur et le psychisme entretiennent d’étroits liens. Les interventions de « psychochirurgie » mises au point dans les années 1950 et destinées à agir sur le psychisme concerneront donc, aussi, le traitement de la douleur. La lobotomie préfrontale, la topectomie, la cingulectomie ou des interventions beaucoup plus ciblées — faisant appel à la stéréotaxie — s’attaqueront à la composante émotionnelle de la douleur. Controversés, ces gestes disparaîtront avec les progrès pharmacologiques et ceux de la chirurgie de la douleur. Aujourd’hui, de rares gestes de psychochirurgie subsistent se focalisant sur le cortex cingulaire antérieure. À la différence du passé, ils ne font plus appel seulement à des techniques lésionnelles, mais aussi à la stimulation cérébrale profonde.

Les techniques de neuromodulation

Ces trois espèces sont capables de produire, grâce à leurs organes électriques dérivés des muscles, des décharges électriques de forte intensité jusqu’à plus de 200 V et 30 A pour les torpilles, plus de 350 V pour les malaptérures voire 600 V p
La torpille, l’anguille électrique et le malaptérure.

Bien avant que l’on ne connaisse les voies de la nociception, et que l’on ne se risque à les interrompre, de multiples thérapeutiques ont été proposées. De nombreux modes d’actions physiques ont été expérimentés qu’ils soient mécaniques, tels les massages ; thermiques, comme l’application de chaud ou de froid ; chimique, avec les herbes ingérées ou inhalées, mais aussi électriques. L’influx nerveux, qui véhicule la douleur, étant un phénomène électrique, les médecins ont recherché, très tôt, des techniques susceptibles de « brouiller » ce message électrique indésirable. Et si cette Fée électrique est, depuis des millénaires, au chevet de l’Homme souffrant ce n’est que depuis une quarantaine d’années qu’elle le soulage efficacement.

Machine électrique (B) et bouteille de Leyde (A) couplée à un électromètre de Lane
Machine électrique (B) et bouteille de Leyde (A) couplée à un électromètre de Lane

Histoire de la neurochirurgie dans le traitement des douleurs cancéreuses

Installation d’un patient lors d’une hypophysiolyse par injection d’alcool avec mise en place d’un cadre de stéréotaxie et du trocart par voie trans-sphénoïdale
Installation d’un patient lors d’une hypophysiolyse par injection d’alcool avec mise en place d’un cadre de stéréotaxie et du trocart par voie trans-sphénoïdale

La douleur cancéreuse, de mécanisme souvent mixte, est un problème fréquent, pour lequel un geste chirurgical peut s’avérer utile. Depuis sa naissance, récente, la neurochirurgie s’y est toujours intéressée. Au début du siècle dernier, les insuffisances de la pharmacopée, les progrès des techniques chirurgicales et la révolution pastorienne ont autorisé les premières interventions de chirurgie de la douleur. Nous décrivons les différentes interventions selon un plan à la fois anatomique (de la périphérie vers le centre) et chronologique. Les techniques lésionnelles (rhizotomie postérieure, cordotomie, myélotomie commissurale, tractotomie pédonculaire, tractotomie trigéminale, thalamotomie, gyrectomie, hypophysectomie, cingulotomie, leucotomie préfontale) et non lésionnelles (neurostimulation médullaire, infusion intrathécale et intraventriculaire) sont successivement abordées. L’infusion intrathécale — aujourd’hui privilégiées aux techniques lésionnelles — est d’un apport indéniable dans la prise en charge de ces douleurs, même si l’on regrette que son accès soit inégal.

La chirurgie de la névralgie faciale

Intervention de neurotomie rétrogassérienne par voie sous-temporale
Intervention de neurotomie rétrogassérienne par voie sous-temporale

Les douleurs atroces du « tic douloureux » ont contraint les chirurgiens à s’y intéresser bien avant la naissance de la neurochirurgie. Ces interventions, dans un premier temps, chercheront à interrompre les fibres sensitives incriminées. Au niveau des branches, déjà, par les neurotomies, puis du ganglion — la gassérectomie —  et enfin à la racine du trijumeau avec la neurotomie rétrogassérienne par voie temporale ou sous-occipitale. Toujours dans cette logique lésionnelle, la voie percutanée sera également explorée. La neurolyse alcoolique, ou l’alcoolisation du ganglion de Gasser chercheront à reproduire les résultats des interventions précédentes sans les risques d’une chirurgie ouverte. Parmi ces techniques percutanées, la compression par ballonnet et la thermocoagulation appartiennent à l’arsenal thérapeutique actuel. Une meilleure compréhension de la physiopathologie aboutira, dans un second temps, à un nouveau geste — conservateur cette fois — conservateur : la décompression vasculaire microchirurgicale. Plus récente et non invasive, la radiochirurgie visant la racine du nerf trouve aujourd’hui sa place au côté de la décompression vasculaire et des gestes percutanés en cas d’échecs du traitement médicamenteux de la névralgie faciale.

L’intervention de W. Rose permettant d’accéder au foramen ovale après dissection du nerf mandibulaire. Un fil traverse le nerf, le muscle temporal est récliné vers le haut tandis que l’arcade zygomatique l’est vers le bas
L’intervention de W. Rose permettant d’accéder au foramen ovale après dissection du nerf mandibulaire. Un fil traverse le nerf, le muscle temporal est récliné vers le haut tandis que l’arcade zygomatique l’est vers le bas