Les espoirs offerts par une spécialité jadis controversée : la psychochirugie

 

La liste des indications s’étoffe depuis une douzaine d’années en stimulation cérébrale profonde, tandis que de nouvelles cibles de traitement, grâce à l’imagerie fonctionnelle cérébrale, s’allument à la surface et dans les profondeurs de l’encéphale. D’autres outils comme la stimulation corticale ou du nerf vague viennent s’ajouter à ces nouvelles thérapies. Mais surtout, demain, les Nanotechnologies, les Biotechnologies, l’Informatique et les sciences de la Cognition – la fameuse « Grande convergence NBIC » – amplifieront ce phénomène et apporteront, très probablement, un soulagement à des milliers de patients aujourd’hui en impasse thérapeutique.

 

Curieusement, chacune de ces avancées reste peu médiatisée et demeure confinée à un public restreint de neurochirurgiens, de psychiatres et de neurologues, tandis que le nombre d’articles dans la littérature scientifique croît depuis une dizaine d’années de manière exponentielle. Pourquoi cette discrétion ? Sans doute le très faible nombre de malades aujourd’hui concernés par ces techniques et le caractère préliminaire de ces recherches. Cette retenue provient également de l’appréhension des scientifiques vis-à-vis des réactions, parfois imprévisibles, de l’opinion. Les excès de la psychochirurgie des années cinquante, incarnés par les funestes lobotomies, restent, il est vrai, ancrés dans la mémoire collective. Pourtant, les interventions actuelles n’ont plus rien à voir avec ce passé tragique. Les effets de la stimulation cérébrale profonde se montrent réversibles tandis que les nouvelles techniques lésionnelles sont, désormais, extrêmement précises et n’ont plus rien de commun avec les grands délabrements cérébraux responsables d’authentiques mutilations de la personnalité dans les années cinquante.

 

Alors, pourquoi cette retenue ? Sans doute est-elle de même nature que celle qui s’est emparée de la génétique. On connaît la méfiance du public envers les manipulations du génome, ne serait-ce qu’au travers du débat sur les OGM ou les cellules souches. Pourtant, la recherche dans ce domaine se poursuit sans tambours ni trompettes et nous mène à la porte de véritables changements de paradigme. « Faut-il être catastrophiste ou même seulement pessimiste vis-à-vis de l’avenir de ces technologies ? » interroge le neuroscientifique et éthicien Nicolas Kopp, qui poursuit et met en garde : « Non ! Nous pensons qu’il faut être vigilant. Et considérer primo que l’« on » fait peur au public par médias interposés, secundo que l’on ne lui donne pas assez les clefs scientifiques des problèmes, tertio que l’on doit effectuer une veille éthique et scientifique, en particulier au plan toxicologique, mais aussi psychologique et sociétal. L’exemple des OGM nous paraît illustrer ces considérations ». 

 

De Vol au-dessus d’un nid de coucou, dénonçant les dérives de la psychochirurgie, à ces horizons aussi prometteurs qu’anxiogènes, les sujets de controverse ne manquent pas. Dès 1954, dans son ouvrage Psychochirurgie et Fonctions mentales, le Français Jacques Le Beau, mettait en garde : « Tout ce qui touche aux fonctions mentales semble avoir le privilège de réveiller les passions comme le classique bâton dans le nid de frelons ». Ce neurochirurgien de l’hôpital de la Salpêtrière classait les « bourdonnements confus et souvent agressifs » de ses détracteurs, notamment du psychiatre Baruk, en plusieurs courants : le premier, théologique, qui proclamait l’impossibilité de l’analyse de l’esprit pour des raisons religieuses, semble aujourd’hui révolu ; le second, stigmatisant le manque de rigueur de l’évaluation clinique et statistique des résultats et complications, paraît actuellement dépassé ; le dernier, celui des objections morales, que nous traduirions, de nos jours, par les mises en garde éthiques doit, en revanche, retenir toute notre attention.

 

Ce débat éthique nécessite que la psychochirurgie, aujourd’hui, sorte de son enceinte médico-technique. Pour cette raison, les grands principes anatomiques, techniques et thérapeutiques doivent être accessibles et compris du plus grand nombre. C’est la vocation des quelques pages abrité sur ce site.

Dr M. Lévêque